La pandémie, une opportunité pour l’Église ? (Mgr Mario Grech)

Dans l’interview qu’il a accordée à « La Civiltà Cattolica », Mgr Mario Grech, nouveau secrétaire général du Synode des évêques, parle de l’Église en situation de pandémie.

Je vous en propose le début très éclairant à l’heure où certains manifestent contre impossibilité de célébrer l’Eucharistie !

 

Mgr Grech, la période de pandémie que nous traversons encore, a forcé le monde entier à s’arrêter. La maison est devenue un lieu de refuge contre la contagion ; les rues se sont vidées. L’Église a été touchée par cette suspension de toute activité et les célébrations liturgiques publiques n’ont plus été autorisées. Quelles a été votre réflexion en tant qu’évêque, en tant que pasteur ?

Si nous prenons cela comme une opportunité, cela peut devenir un moment de renouveau. La pandémie a mis en lumière une certaine ignorance religieuse, une pauvreté spirituelle. Certains ont insisté sur la liberté de culte ou la liberté pour le culte, mais peu de choses ont été dites sur la liberté dans la manière de prier. Nous avons oublié la richesse et la variété des expériences qui nous aident à contempler le visage du Christ. Certains ont même dit que la vie de l’Église avait été interrompue ! Et c’est vraiment incroyable. Dans la situation qui a empêché la célébration des sacrements, nous n’avons pas réalisé qu’il y avait d’autres manières de faire l’expérience de Dieu. Dans l’Évangile de Jean, Jésus dit à la Samaritaine : « L’heure vient où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. […] L’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que le Père recherche » (Jean 4,21-23). La fidélité du disciple à Jésus ne peut être compromise par l’absence temporaire de liturgie et de sacrements. Le fait que de nombreux prêtres et laïcs soient entrés en crise parce que tout à coup nous nous sommes retrouvés dans la situation de ne pas pouvoir célébrer l’Eucharistie coram populo (avec tout le peuple) est en soi très significatif. Pendant la pandémie, un certain cléricalisme est apparu, même via les réseaux sociaux. Nous avons été témoins d’un degré d’exhibitionnisme et de piétisme qui a plus à voir avec la magie qu’avec une expression de foi mature.

Alors quel défi pour aujourd’hui ?

Lorsque le temple de Jérusalem où Jésus a prié a été détruit, les Juifs et les Gentils, n’ayant pas de temple, se sont rassemblés autour de la table familiale et ont offert des sacrifices par leurs lèvres et par des prières de louange. Lorsqu’ils ne pouvaient plus suivre la tradition, les Juifs et les Chrétiens ont repris la loi et les prophètes et les ont réinterprétés d’une nouvelle manière. [1] C’est aussi le défi pour aujourd’hui. Lorsqu’il a écrit sur la réforme dont l’Église avait besoin, Yves Congar a affirmé que la « mise à jour » souhaitée par le Concile devait aller jusqu’à la découverte d’une manière nouvelle d’être, de parler et de s’engager qui réponde au besoin d’un service évangélique total pour le monde. Au lieu de cela, de nombreuses initiatives pastorales de cette période ont été centrées sur la seule figure du prêtre. L’Église, en ce sens, semble trop cléricale et le ministère est contrôlé par des clercs. Même les laïcs sont souvent conditionnés par un modèle de cléricalisme fort. Le confinement que nous avons vécu, nous oblige à ouvrir les yeux sur la réalité que nous vivons dans nos églises. Il faut réfléchir, s’interroger sur la richesse des ministères laïcs dans l’Église, comprendre si, et comment ils se sont exprimés. A quoi sert une profession de foi, si cette même foi ne devient pas le levain qui transforme la pâte de la vie ?

Suite de l’interview ci-dessous :